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A bout de force « J’étais toujours à fond »

Un agriculteur raconte comment il a vécu son burnout et ce qui l’a aidé à aborder sa vie sous un angle nouveau.

De Interview: Ricarda Caderas
Publié le jeudi 8 février 2024 08:10
Durée de lecture 4 minutes

Comment savoir qu’on se dirige vers un burnout ? « Selon la psychothérapeute Miriam Priess, un burnout ne provient pas uniquement du stress », explique Ricarda Caderas. Coach et superviseure, elle exploite avec son mari une ferme à Luven GR. « Les gens ne s’épuisent pas seulement au travail, mais parce qu’ils ont perdu la relation à eux-mêmes. »

Dans son cabinet, elle reçoit régulièrement des clients qui sont au bord du burnout ou qui doivent changer quelque chose, après un séjour en clinique, pour rester durablement en bonne santé. L’un d’entre eux a accepté de témoigner, de manière anonyme, de ce qu’il a vécu.

Comment le surmenage a-t-il commencé ?

« J’ai géré mon exploitation de vaches mères avec mon épouse. Durant les mois d’été, j’employais un collaborateur. Toujours plus de tâches se sont ajoutées ; un alpage en fermage avec la conduite de l’alpage et la fonction de caissier, puis membre du conseil municipal, d’autres mandats et un revenu accessoire durant les mois d’hiver. Ensuite, nous avons construit une étable, en effectuant une grande partie des travaux nous-mêmes. J’étais toujours à fond. Lorsque le collaborateur de longue date a donné son congé, nous n’avons trouvé personne pour le remplacer l’été suivant. La charge de travail a encore augmenté, alors j’ai foncé encore plus. »

Quel comportement avez-vous perçu chez vous ?

« J’étais souvent énervé, je suis devenu plus agressif, je piquais des crises et me mettais en colère pour des détails. A cela s’est ajoutée la fatigue physique et mentale constante, je n’étais plus aussi performant qu’avant. Ma concentration diminuait, je faisais des fautes d’inattention même pour des travaux de routine. »

Et ensuite, que s’est-il passé ?

« Un matin, à l’écurie, je me suis senti comme piloté à distance, je voyais les vaches mais je n’étais pas capable de percevoir ni d’évaluer l’état de santé des bêtes. Je me demandais : qu’est-ce que je fais ici ? tout en étant dans un état d’esprit où tout m’était égal. J’ai réalisé que quelque chose devait changer. »

Qu’avez-vous fait ?

« Je suis allé chez mon médecin de famille. S’en est suivi un séjour de trois semaines dans une clinique. Après cela, j’avais le sentiment d’avoir récupéré et d’être à nouveau prêt. Toutefois, au bout de cinq minutes à la ferme, je me suis rendu compte que cela n’allait pas. Avec ma famille, nous avons pris cinq jours de vacances de ski. Cette distance était importante. A notre retour, je n’ai pu reprendre le travail à la ferme que pas à pas. J’ai demandé de l’aide, mais il a fallu plusieurs tentatives avant de trouver un psychiatre avec qui ça collait. Pour changer les choses, il me fallait un coach qui avait un lien avec l’agriculture. »

Comment s’est déroulé le travail durant les séances de coaching ?

« Avec ma coach, nous avons regardé l’état du moment : où y a-t-il une perte d’énergie, où un gain d’énergie ? Nous avons fait une liste des changements en cours et de ceux que j’avais déjà réalisés. J’ai reçu de l’aide pour définir l’objectif. Ensuite, il a fallu réfléchir à des modifications possibles pour que l’exploitation puisse être gérée avec une moins grande charge de travail, tout en restant rentable. Nous avons cherché et trouvé des idées qui correspondaient à mon entreprise et à moi. Cela m’a apporté de nouvelles perspectives et des impulsions pour le changement. »

Qu’est-ce qui s’est passé en vous ?

« Peu à peu, j’ai pris conscience de ce qui me freinait et m’empêchait d’entreprendre certains changements sur l’exploitation. Avec ma coach, nous avons travaillé sur des thèmes comme le perfectionnisme, l’impulsivité et les accès de colère, le besoin d’efficience économique exagérée et d’autres sujets. Sans ce travail sur des aspects personnels, il n’aurait pas été possible d’aborder et de réaliser des changements sur l’exploitation. »

Pourquoi pas ?

« Lorsque le modèle de l’efficience économique détermine excessivement sa propre vie, cela bloque la possibilité d’aborder des changements qui sont financièrement moins intéressants. J’ai appris à m’écarter de schémas qui me freinaient et à éliminer les blocages pour m’approcher petit à petit de mon objectif. L’objectif de pouvoir gérer l’exploitation avec mon épouse en restant en bonne santé. »

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

« Je suis beaucoup plus détendu, je n’ai plus d’accès de colère ou de crises qui me prenaient à chaque fois beaucoup d’énergie. J’ai pu aborder les changements sur l’exploitation de manière plus claire et concrète. Pour moi, il était important que la coach elle-même soit issue du monde agricole. Elle sait de quoi nous parlons.

Que conseillez-vous à des collègues qui sont surmenés ?

« Je leur conseille de réagir sans attendre. Si on ne perçoit pas soi-même les signaux, il faut au moins écouter son entourage et prendre les remarques au sérieux. Il faut immédiatement changer les choses et demander du soutien. Lorsqu’on dit pendant longtemps « je devrais », rien ne change. On ne peut changer les choses qu’à partir du moment où on est ouvert à la nouveauté. »

Plus d’informations sur Ricarda Caderas: www.potenzials.ch